Validisme, médias et société

Le monde mis en scène par les médias belges francophones est pratiquement exempt de personnes en situation de handicap qui représentent pourtant 15 % de la population. Seuls 0,47 % des contenus visibilisent des personnes handicapées. Et quand elles apparaissent, c’est principalement pour "inspirer" les publics valides. S’appuyant sur l’expérience des personnes concernées, cette publication identifie en quoi les industries médiatiques participent à leur marginalisation. Elle espère contribuer à situer la manière dont l’environnement médiatique pourrait œuvrer à leur inclusion authentique et rencontrer leur revendication : « Rien sur nous, sans nous ! ».

Certains rendez-vous mettent les handicaps à la Une. Les événements caritatifs ou les Jeux paralympiques s’accompagnent de récits de vie présentés comme émouvants ou inspirants. Opportuniste, la publicité s’en empare régulièrement pour vendre produits et services. Les médias d’info peinent à présenter le handicap comme un problème sociétal et pas « personnel ». Quant aux fictions, elles exploitent volontiers les aspects les plus dramatiques du handicap pour toucher les publics, forcément valides, en plein cœur. Mais après un soubresaut, les handicaps disparaissent des radars médiatiques.

La validité : un impensé médiatique ?

« Je présenterais le validisme comme un système d’oppression que subissent toutes les personnes handicapées ou personnes en situation de handicap. Ça part du postulat que la norme c’est la personne valide et donc que nous, personnes handicapées, nous sommes hors norme, inférieures. Et de ce fait-là, nos besoins ne sont pas pris en compte. Nous sommes marginalisées et traitées différemment. » Justine Pecquet – Les Dévalideuses

Nos infrastructures physiques ou numériques sont pensées dans leur grande majorité en imaginant que chaque usager·ère est « valide ». Il en va de même dans les médias : la faible quantité de programmes, films ou émissions de divertissement qui mobilisent les enjeux des handicaps sont écrits et incarnés par des personnes valides, et imaginés pour un public qui l’est tout autant. Cette brochure s’attachera ainsi à questionner les formes existantes et identifier en quoi elles contribuent à « anormaliser » le handicap. Mais elle ambitionne aussi de dévoiler en quoi le handicap est « impensé » dans la production de contenus.

Un pictogramme pour les unir tous·tes ?

Nous connaissons bien ce pictogramme d’une personne en chaise roulante, spécifiant l’existence d’un dispositif destiné aux personnes « handicapé·es ». Ce symbole stéréotypé réduit, pour le public valide, la compréhension du handicap à un enjeu de mobilité ne concernant qu’une partie seulement du spectre du handicap. 80 % des handicaps sont « invisibles ». Le constat est sans appel, et les témoignages de personnes concernées s’accordent : la méconnaissance du grand public sur le sujet se combine à la lenteur des évolutions infrastructurelles et génère un sentiment de rejet.

« La série “Toulouse Lautrec” se passe dans le milieu scolaire. Dans la réalité, la vraie vie, je n’ai jamais vu une école aussi bien adaptée aux personnes et à l’inclusion. Mon exemple est parlant : je suis enseignante à la base, et ça fait 10 ans que je suis en réorientation professionnelle. Pour moi, il n’y a pas d’emploi adapté. » Laurence

Alors quel rôle les médias jouent-ils dans la capacité du public à embrasser les enjeux sociétaux posés par le handicap, ou à en cerner la diversité ? Quel rôle éducatif jouent-ils dans ce registre ?

La couverture de cette brochure a ainsi été imaginée comme une question, à laquelle elle se propose de répondre. Quand les médias parlent du handicap, dans quelle mesure n’en réduisent-ils pas la complexité à certains traits visibles, à la manière de ce pictogramme ?

« Rien sur nous, sans nous ! »

Cette publication et les messages qu’elle entend adresser à l’univers des médias s’appuient sur de nombreux témoignages de personnes en situation de handicap. Ceux-ci ont été collectés en mai et juin 2024 durant 3 échanges en « focus group » organisés avec différentes ASBL : Esenca, Altéo et Vis à Vis. Les participant·es ont eu l’occasion de s’exprimer en regard d’une sélection de supports médiatiques (extraits de films, manchettes d’articles de presse, spots publicitaires ou caritatifs…). Vous découvrirez, en parcourant cette brochure, une variété de citations extraites de ces moments d’échange. Média Animation et la RTBF s’associent pour remercier toutes les personnes qui ont, par leur témoignage, contribué à ancrer cette publication dans des expériences réelles. Nous tenons aussi à remercier chaleureusement les partenaires qui ont permis la tenue de ces « focus groups ».

Validisme, médias et société est une brochure réalisée à l’initiative de la RTBF et de Média Animation asbl, avec le soutien du Conseil Supérieur de l’Éducation aux Médias.

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