Les premiers pas d’une radio scolaire

L’école 4 du Cœur d’Ixelles (Bruxelles), située en plein quartier multiculturel, propose à ses élèves de 5e et 6e primaires de faire de la "radio" sous une forme particulière : les émissions sont enregistrées sur CD, puis diffusées dans les classes au bon vouloir des professeurs. Une belle initiative, qui se vit et évolue depuis deux ans, malgré les moyens du bord. Rencontre avec Martine Van Cauter, responsable du projet.

Comment est né le projet radio ? Quels étaient les objectifs ?

Le projet radio a été demandé par la directrice, parce qu’elle en rêvait quand elle était elle-même dans sa classe. Comme personne ne voulait s’en occuper, je me suis dit qu’au fond, c’était peut-être une bonne idée de le tester. On en est à la 2e année. Les objectifs poursuivis étaient de faire écouter la radio aux enfants de l’école et, essentiellement, de faire des émissions sur CDs, qui seraient écoutés dans les différentes classes.

Quelles méthodes utilisez-vous pour créer une émission ? A qui faites-vous appel ?

On a plusieurs intervenants. On a l’association « quartier libre », ici à Ixelles, qui nous envoie des animateurs pour nous aider dans le travail en équipe. Nous avons aussi un intervenant technique, Christian, qui nous apporte du matériel et nous apprend la technique de la radio, que personne ne connaissait, même moi.

Quel est le matériel utilisé ? Comment est diffusée l’émission dans l’école ?

C’est notre problème : parce qu’on est une petite école et qu’on n’a pas beaucoup de moyens, on manque d’ordinateurs. En fait, l’intervenant technique apporte le micro d’enregistrement et quelques ordinateurs. Lorsqu’on doit monter les interviews, on travaille donc avec des petites équipes d’enfants devant les ordis, et je m’occupe de ceux qui restent en classe. On fait ainsi des roulements pour que chacun puisse participer lors de la matinée au travail de montage.
Ensuite, l’émission est mise sur CD, puis distribuée dans les classes, pour que chacun puisse écouter la réalisation. Les enfants sont fiers et contents de s’entendre (on essaie d’avoir des intervenants de toutes les classes). Pour la fête scolaire, l’an dernier, un responsable de l’émission Samarc’ondes, diffusée sur Radio campus, est venu avec son matériel de radio. Les enfants de 6e ont fait une émission complète, avec leurs musiques, leurs choix… tout en direct. Ça leur a beaucoup plu.

Quelle est la part de travail fournie par les élèves ?

Les institutrices donnent leurs projets de sorties ou d’animations particulières pour l’année. Les élèves de 5e ou 6e, cette année-ci en tout cas, choisissent alors qui ils souhaitent interviewer. L’an dernier, les deux classes travaillaient sur des interviews en interne. Cette année, comme on voulait aller plus loin, les 5e sont restées dans l’école ; mais les 6e ont été voir des personnes extérieures, qui n’avaient rien à voir avec l’école. Le thème de cette année était « l’école dans son quartier ». On a donc interviewé des acteurs du quartier dans divers domaines : politique, sportif, écologique, …

Comment les enfants sont-ils coachés et conseillés pour préparer l’émission ?

Cette année, on a surtout axé le travail sur le montage. Les interviews se passent bien, car les élèves sont plus cools, ils comprennent. Les petits de l’école, habitués à être interrogés, sont plus cools aussi. Mais le montage reste difficile à réaliser. Comme Christian veut leur apprendre à monter mieux et plus finement, cela prend énormément de temps. On espère qu’un jour, nous aurons dépassé ce problème.
L’an dernier, on s’occupait surtout de l’écrit. Mais, on s’est rendu compte que, lors d’une interview, ils avaient leurs papiers ou avaient appris leurs questions par cœur, et ce n’était pas très naturel. En plus, dès que l’interviewé s’écartait du sujet, ils n’arrivaient pas à rebondir. Donc, cette année, pour les intervenants extérieurs en tout cas, on fait un tour de table sur le sujet en classe, puis on effectue la rencontre avec l’interviewé, qui raconte d’abord sa « vie », tous les élèves étant là. Certains élèves ont alors la possibilité de poser des questions beaucoup plus pointues par rapport à ce qui s’est dit déjà dans la discussion. C’est moins rigoureux comme méthode, mais plus riche et plus naturel.
Les 5e, eux, continuent à interviewer les enfants dans les classes. Comme on ne peut pas libérer des élèves pour suivre l’excursion d’une autre classe, l’intervenant technique prend son micro et suit la visite avec le groupe. Il revient avec bruitages, réponses spontanées et enthousiasme des enfants. Ensuite, il nous en parle, fait écouter les bruitages et les réponses spontanées. Les enfants de l’équipe écrivent alors des questions d’interview en fonction des premières infos et vont ensuite s’adresser à la classe qui a vécu l’excursion.

Ce projet leur permet-il d’aborder de manière plus juste les médias ?

Oui. Au départ, on a visité la RTBF. Ils ont pu se rendre compte du boulot que ça représentait. Avant de se lancer, on a travaillé la presse écrite, pour voir les bases du journalisme et pour apprendre à chercher de l’info. L’an dernier, on a aussi invité un journaliste pour venir nous parler de son métier. Puis, on a utilisé des CDs fournis dans le cadre de l’opération « Journalistes en classe », on les a travaillés, on en a discuté.
On a aussi joué une fois à faire du travail trafiqué pour leur montrer qu’il ne faut pas tout croire, parce qu’en coupant dans les interviews, on peut faire dire à quelqu’un tout à fait autre chose que ce qu’il a dit à la base. Ça les amuse fort. Mais on essaie de leur faire comprendre qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qu’on entend, voit ou lit dans les médias.

Les enfants possédaient-ils un bagage sur les médias avant de participer au projet ?

La télé. Mais je ne suis même pas sûre : je donne aussi cours d’histoire à ces élèves, je leur parle de ce qui s’est passé dans la semaine et je remarque qu’ils n’ont souvent aucune notion. Ils ne font pas une démarche personnelle pour aller vers les médias chez eux. En plus, avant, les enfants avaient le câble et regardaient les émissions en français. Maintenant, avec la parabole, ils n’écoutent que les émissions et les infos de leur pays d’origine. Le problème est donc que ces enfants n’ont vraiment que le temps passé à l’école pour apprendre le français. Ils apprennent donc beaucoup moins vite et ils ne sont pas au courant non plus de ce qui se passe chez nous. Donc, il n’est pas possible d’utiliser avec eux l’info de la presse écrite ou audiovisuelle.

Quels sont les apports d’un projet de radio dans la classe ?

Ça permet de donner la parole à chacun, d’approcher l’aspect technique. Ça permet, comme au théâtre, de s’exprimer plus facilement et de savoir se présenter. La majorité des enfants ne parle pas français à la base. Ca leur permet de s’améliorer et d’élargir leur vocabulaire. L’an dernier, on était plus strict par rapport aux interviews : je voulais que ce soit sans faute. Puis, on s’est rendu compte que ce n’était pas la priorité de ce genre de travail. L’essentiel, c’est l’expression : employer les mots justes, gérer le trac, ne pas trembler, ne pas répéter trois fois les mots et savoir aussi que si on s’est trompé, on peut recommencer puisqu’au montage, ça disparaitra. Ça permet aussi de s’intéresser aux autres, voir ce qui se fait et se passe autour de nous. C’est toute une technique d’échange. Et puis, s’ouvrir sur l’extérieur et apprendre de nouvelles choses, c’est toujours important.

Propos recueillis par Emilie Cuvelier.

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