Histoires d’hommes et de femmes immigrés

Gueules sans frontière

« Gueules sans Frontière » est le titre d’un livre audio réalisé dans le cadre des ateliers d’éducation permanente de Média Animation asbl, en partenariat avec la cellule ALPHA/FLE (Français Langue Etrangère) du CPAS de Namur.

Il s’agissait de suggérer un projet qui permettrait également d’avancer dans l’apprentissage de la langue française (pour débutants) avec Emeline Ramquet, leur professeur de français. Les animateurs de Média Animation ont donc rencontré durant plusieurs séances les bénéficiaires d’un groupe apprenant de français Alpha 2.
Ce sont les participants de ce groupe qui ont imaginé, créé les personnages et leurs histoires qui ressemblent tellement à leurs vies, leurs parcours… avant d’arriver en Belgique !
Parmi ces bénéficiaires, des personnes adultes, d’origines culturelles différentes : Ethiopie, Somalie, Afghanistan, Irak, Turquie, Albanie, Palestine…

Des objectifs multiples
Dans le cadre du cours de français (et de l’expression autonome) :
Imaginer une histoire et pouvoir l’expliquer avec ses mots pour ensuite développer mieux le vocabulaire et le champ lexical autour du personnage. Ensuite, il faudra pouvoir lire le texte de façon claire en tenant compte des futurs auditeurs/spectateurs.
« Nous avons d’abord commencé par l’explication du projet puis par le choix des thèmes. Il a fallu ensuite imaginer les personnages et tout ce qui gravite autour d’eux. Je prenais des notes de ce que les apprenants racontaient puis je retranscrivais tout de manière simple pour la lecture. Nous lisions en moyenne une fois toutes les 2 semaines je dirais (parfois plus) pour les préparer au mieux à l’enregistrement.
Puis pour terminer, les visuels se sont donc faits avec Nadia qui a animé des ateliers de création autour des personnages
. » (Emeline Ramquet, professeur de français)

En termes d’éducation aux médias , le projet vise l’expression par le média et l’adaptation de ce média (forme, ton, sujet...).
Pour ce faire, le groupe doit rechercher des informations (réelles ou imaginaires) et les restituer. Dans le cas de nos portraits/parcours, il faut notamment aller à la rencontre de l’autre, connaître sa langue, connaître ses origines, son histoire… et ensuite réfléchir à la manière de représenter cela.

Puis il faut identifier un support (forme audio-visuelle) et adapter le sujet à ses contraintes techniques, analyser le contexte qui donne du sens à l’image et au son.
Enfin, il faudra construire un projet finalisé et compréhensible pour un public potentiel (soucis de compréhension, de visibilité et d’audibilité).

Le projet Etape par étape

Etape 1 : la mise en commun, les idées, le vocabulaire
La première étape du projet est de faire un tour de table afin de prendre connaissance des participants et de leur niveau de français. Nous proposons de créer des nuages de mots autour de thématiques proposées par les participants : l’amour, les saisons, la cuisine, la mort, ….
Après avoir détaché quatre thématiques générales, nous avons fait des groupes afin que ces nuages de mots s’articulent aussi visuellement (signifié/signifiant).
Nous remarquons rapidement que les participants ne parviennent pas à se détacher du réel pour partir vers un imaginaire tel que l’on en connaît dans le monde littéraire occidental.

Etape 2 : construction d’une histoire autour d’un personnage

Suite à cette expérience mitigée, nous proposons aux participants un atelier de création d’histoire autour d’un jeu de photo-langage (’Regarde un peu’ un jeu de photo-langage créé par le Sycomore asbl). Le résultat propose plusieurs parcours de vie intéressants. L’imaginaire ou l’irréel est à nouveau écarté pour laisser place à des histoires vécues, les parcours de vie racontés ne sont donc pas ceux de personnages fictifs mais bien ceux vécus par les participants eux-mêmes.

Parmi ceux-ci, l’histoire d’un père dont la fille est enlevée, la vie d’une femme mariée de force qui fuit son mariage et s’expatrie avec son enfant vers l’Allemagne … une famille de mineurs de charbon qui se rebelle contre le pouvoir à Djibouti …ou encore une jeune fille Somalienne forcée de travailler à la maison tandis que ses frères sont éduqués à l’école.

Etape 3 : Aménagement des textes en vue de la lecture et lecture des textes
Finalement, 5 personnages et 5 parcours de vie sont choisis. Mais nous décidons de changer les histoires et les noms pour ne pas avoir de récit autobiographique et ainsi de pouvoir insuffler la notion de ‘fiction’ ou de ‘fiction issue d’histoire réelle’.
En remettant les idées sur papier, nous décidons d’aménager le texte sous la forme du journal de bord. Emeline adapte aussi le texte en fonction de son groupe en proposant plus de phrases courtes et de remettre les textes à l’indicatif présent pour une facilité de lecture.
Les vécus des personnages évoluent par étapes, dans le temps avec parfois des flashbacks possibles. Le narrateur est soit le personnage principal soit un de ses proches. La première lecture sera la description de chaque personnage. La seconde sera leur histoire.

>Pour une meilleure compréhension du texte, les participants/lecteurs peuvent visualiser les passages dans le temps et dans l’espace via une ligne du temps

A ce moment, certains personnages manquent encore vraiment de descriptions et de corps. Afin d’étoffer ces personnages, nous proposons aux participants de choisir dans des magasines des images qu’ils associent aux personnages et qui pourront illustrer le monde dans lequel ces mêmes personnages vivent (ou un moment de leur vie). Ce procédé à l’avantage de faire parler, l’image choisie doit d’une manière ou d’une autre être reliée à l’histoire du personnage.

Etape 4 : lecture, enregistrement sonores et écoute des enregistrements.
La réécoute en groupe des prononciations est un processus intéressant car chacun prend conscience de ses erreurs de prononciation. Certaines sonorités sont particulièrement difficiles selon les lecteurs et leur langue d’origine.

Etape 5 : création graphique
Vient ensuite l’étape de mise en page et l’illustration de l’histoire ou en groupe, les participants doivent alimenter les pages par des éléments graphiques liés à l’histoire du personnage et à son environnement culturel.
« La mise en place de création graphique était compliquée mais révélatrice pour certaines apprenantes. Révélatrice dans le vécu d’une migrante : pas facile de prendre un crayon, se trouver devant une page blanche et d’y mettre des émotions. Même si le récit illustré n’est pas personnel.Le déracinement est là !
Cette partie prend assez bien de temps. Dans notre cas, des rencontres supplémentaires auraient permis aux apprenant.es de réaliser une mise en page dans sa totalité, d’y joindre du texte et donc de mieux conceptualiser ce qu’est un ‘ livre-audio’
* » (Nadia Hérion, Média animation)

* Le processus du projet ayant été coupé par les événements de confinement dû au Coronavirus.


En conclusion, un projet riche mais compliqué

«  Nous sommes finalement contents du résultat final mais cette mission, honorable sur le papier a été assez compliquée. Il faut s’armer de courage et de patience car la création d’un tel projet avec un groupe débutant prend énormément de temps.
Les objectifs étaient peut-être trop nombreux pour un même projet et surtout pour un public d’apprenant en français n’ayant que très peu de notions sur la création d’un média
. »
(Thomas Gilson, animateur multimédia, chargé de projets en éducation permanente chez Média animation)

Parmi les principales difficultés vécues :
  Difficulté pour les participants d’imaginer ce qu’est un ‘livre audio’
  La difficulté pour les participants de ne pas partir de leur vécu, de sortir de la réalité pour entrer dans un univers imaginaire ou fictif dont ils n’ont pas toujours la notion.
  Comment parvenir à atteindre les objectifs critiques d’éducation aux médias avec des participants dont le premier souci est d’apprendre le français ? Dans le même registre, comment ne pas tomber dans le pure et simple cours de français ?
  Pour certains participants, les notions des structures narratives diffèrent avec les nôtres
  Le niveau de français du groupe

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> Le pdf du livre audio est disponible ici en téléchargement

Vous pouvez télécharger également la partie audio via ce lien
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’Ozali malamu’

Le projet est né d’un partenariat avec les asbl "Yambi dévelopement" et le Cepag Forabra (Brabant Wallon) qui animent les ateliers de citoyenneté chaque semaine au centre. (…)