C’est un fait, la recherche en ligne se fait de plus en plus sociale. Partie 3.
Les réseaux d’experts au service d’une veille intelligente
Delicious, Pearltree, Twitter, … se profilent comme de véritables chefs d’orchestre d’une identification experte des sites répondant à vos critères personnels de recherche. Encore devez-vous bien sélectionner avec qui vous partagez l’exercice de cette veille intelligente. « Retour sur investissement » garanti ? Qui sait…
Nous l’avons vu (voir notre analyse précédente), les moteurs de recherche intègrent désormais les plébiscites de vos amis dans leurs pages de résultats. Mais à côté de ceux qui rendent la recherche en ligne plus sociale, il y a aussi de nouveaux outils qui apparaissent [1].
Surfer sur Internet pour y chercher des informations, voilà un réflexe devenu courant aujourd’hui. A tel point que certains pédagogues s’inquiètent de ce « tout à l’ordi » qui s’installe parfois dans les pratiques documentaires de leurs élèves. En effet, la recherche en ligne pose toute une série de nouvelles questions liées à la spécificité des nouvelles technologies, non seulement quant à la méthodologie de recherche, mais aussi concernant le sens critique (un classique en recherche documentaire) mais qui doit trouver sa déclinaison « online ». Crédibilité des sources, recoupement des infos… Tout un art. Cela justifie une longue et légitime réflexion, pour laquelle nous renvoyons à nos analyses précédentes [2]. Ce que nous voulons mettre en évidence ici, c’est que ce temps passé et cette expertise numérique acquise progressivement constituent un capital intellectuel important, à tel point que plus d’un valorise financièrement celui-ci dans des actes professionnels facturés. On observera toutefois que la pratique en ligne des réseaux sociaux a induit une autre manière de se comporter qui est sans doute toute aussi intéressante : la veille ou l’expertise partagée. Selon quel modèle économique, demanderez-vous peut-être ? Celui de l’échange entre pairs. Un win-win non monnayé mais terriblement rentable.
Ça peut toujours servir
A côté des réseaux sociaux grand public qui prolongent sur Internet les relations que vous entretenez dans la vie réelle, se développent de plus en plus des réseaux experts qui ont comme objectif de mutualiser des savoirs, des compétences, des ressources, etc… Il est un paramètre important au coeur de ces pratiques : gagner du temps ! Non pas d’abord dans le sens : « Time is money » mais plutôt en partant du constat que de partager des infos au moment où elles vous tombent sous les yeux prend bien moins de temps que de rechercher celles-ci (ou d’autres) quand vous en avez fichtrement besoin et que vous êtes dans le rush d’une tâche à réaliser. A la base de cette attitude : le réflexe du « ça peut toujours servir… pour moi ou pour un autre ! » C’est d’ailleurs selon ce principe que tout documentaliste constitue une base d’infos qu’il consultera le temps venu. Nécessité, dès lors de "catalographier" intelligemment de sorte à retrouver rapidement l’info stockée. C’est déjà une pratique décisive à titre personnel. Cela le devient encore plus dans un groupe de travail, au sein d’une entreprise ou d’une association. Organiser la mise en partage des ressources documentaires d’une équipe : un métier -métier bien connu : celui de bibliothécaire- qui se décline de façon nouvelle depuis l’émergence des nouvelles technologies de réseaux.
Découvrant une page internet particulièrement intéressante, je suis facilement en mesure d’en mémoriser l’adresse URL [3] de sorte à y revenir en d’autres circonstances, notamment quand le besoin sera plus sensible d’exploiter véritablement le contenu informatif du document. La pratique est simple : je mets un signet, un marque page, je « bookmarke », j’enregistre en favoris. Ces termes désignent tous la même démarche. Mais ma référence est inscrite dans ma machine, dans un fichier lié à mon navigateur. C’est seulement sur mon ordinateur que j’en retrouverai l’usage. Si je veux partager l’URL trouvée avec un collaborateur, la pratique est aussi simple : « J’envoie vers » le lien de ladite page. Une fonctionnalité logée dans le menu déroulant « Fichier » de mon navigateur. C’est un mail qui sera alors adressé avec, en corps de message, l’hyperlien vers la page HTML concernée. Je peux d’ailleurs m’envoyer de la sorte le lien, si je veux le retrouver sur une autre machine que celle sur laquelle je suis occupé à travailler. Celle de mon domicile, par exemple.
Se croiser sur un nuage…
Mais la pratique « dans les nuages », celle que l’on nomme de l’anglicisme « Cloud computing » me permet depuis quelques temps déjà de mémoriser mes favoris directement sur le net, accessibles dès lors de n’importe quel poste connecté. A partir du moment où j’entre dans cette logique d’un service en ligne qui fonctionne par session privée, je peux opter (c’est un "opt in" [4]) pour le partage de cette info. En effet, si je communique l’adresse URL de la page sur laquelle je stocke toutes mes bonnes adresses en ligne, d’autres pourront en bénéficier. De plus, ils gagneront un temps précieux si, se servant de mes mots-clés (des tags qui me permettent de cataloguer et de retrouver mes liens par thèmes) ils interrogent ma base de données personnelle. Dans cette logique, plusieurs utilisateurs croisant leurs efforts respectifs seront encore plus performants.
Divers outils permettent ce partenariat de veille en ligne. Delicious [5] travaille dans une mise en page très textuelle alors que Pearltrees [6] visualise les choses de façon plus arborescente. Twitter [7] publie par courts messages de 140 caractères maximum… Nécessité de faire court et bon en intégrant le lien URL de la source en ligne que l’on veut faire connaître à son réseau de contact (les followers). Ces outils révolutionnent la recherche en ligne. Ils la développent dans un sens social encore plus engagé. Le concept est bien que l’on échange des ressources, ou à tout le moins que l’on en partage. Que ce soit de façon mutuelle (deux à deux) ou non importe peu. Ce qui est essentiel, c’est que celui qui veut bénéficier des apports documentaires de tels ou tels puissent identifier les experts auxquels il accorde son crédit. C’est finalement là que tout se joue, quand il s’agit de repérer les leaders d’opinions qui vous conviennent. Car, comme les grosses machines de guerre de la recherche documentaire en ligne (les Google et autres Bing) l’instrumentalisent aussi, les référents experts sont différents pour les uns et pour les autres. C’est vous qui acceptez la mise en contact privilégiée au sein d’un réseau (« mes amis ») … et de ce fait, les informations qui vous sont fournies ne sont pas les mêmes que celles données en partage au sein d’une autre configuration réseau…
Renégocier ses supports
Dans ces configurations d’échanges experts, il importe de bien savoir à l’école de qui l’on se met. En effet, toutes proportions gardées, agir de la sorte revient à s’abonner à un journal (une ligne éditoriale) plutôt que de re-choisir à chaque fois le support d’information que l’on va consulter. Avantage indéniable point de vue temps. Mais risque aussi de passer à côté de nouveautés qui surgiraient lors d’une recherche que l’on effectuerait soi-même. Bien évidemment, ce choix de vouloir suivre la ligne éditoriale (les favoris, les tweets ou les arbres à perles) peut se renégocier… comme l’abonnement à un journal… Encore faut-il en avoir la volonté et en prendre le temps… Nettoyer son carnet de contacts est en effet une tâche que plus d’un reporte au lendemain, comme pour d’autres, faire son lit ou ranger son garage.
L’apparition de ces outils sociaux de veille collaborative a révolutionné la recherche d’infos de beaucoup. En effet, l’usage des tags dans des plates-formes comme Delicious (appelés aussi hashtags dans Twitter) autorisent une recherche standardisée dans une série de sites internet qui ont été sélectionnés par des internautes motivés. Bien sûr, quand on procède à partir de la page d’accueil d’un Twitter Search ou de Delicious.com, les référenceurs sont l’ensemble des utilisateurs de la plate-forme. Ils sont légion et vous ne connaissez pas leur degré d’expertise. On n’est pas alors mieux loti en matière d’identification des critères de plébiscite de tel ou tel site qu’avec un moteur classique. Mais ces interfaces permettent la constitution de mini réseaux… (l’équivalent de vos listes d’amis dans Facebook, par exemple).
Recommandations labellisées
Aussi, l’usage du moteur de recherche à l’intérieur des pages référencées par vos relations privilégiées vous met-il en présence des seules recommandations labellisées par vos contacts. Il est en effet possible d’utiliser la recherche sur un mot-clé pour retrouver ses propres favoris, de procéder de la même façon pour fouiller dans les bonnes adresses des membres de vos mini réseaux ou enfin, pour entreprendre une recherche dans l’ensemble des perles de la communauté des utilisateurs de la plate-forme. C’est une riche collaboration qui est ainsi rendue possible. Et puis, si vous partagez des affinités plus particulières avec tel ou tel collaborateur, au sein d’une l’équipe locale, mais aussi pourquoi pas à l’autre bout du monde, vous pouvez suivre l’actualité de ses mises en favoris. La page Delicious de votre collaborateur constitue le journalier de ses bonnes pêches sur le net, comme le fait ses comptes Pearltrees ou Twitter.
Démarrer sa journée en surfant quelques moments sur ces ressources bien choisies vous donne accès à une mine de renseignements actualisés… et validés. Pas du temps perdu ! Vous découvrez ainsi une certaine tendance du net, par l’intermédiaire de vos collaborateurs en veille. Et à votre tour, quand vous découvrirez des informations que vous jugerez de bonne facture, de haute valeur ajoutée, vous ne manquerez pas de renvoyer l’ascenseur en les référençant, non seulement pour vous-mêmes dans votre liste de favoris (ou de marque page, bookmarks…), mais aussi avec l’idée que vous partagez par la même occasion –et sans que cela ne vous coûte du temps supplémentaire- ces ressources pour une communauté plus vaste qui fonctionne par échanges entre pairs.
Besoin d’un modèle économique à tout prix pour justifier votre démarche ? Imaginez déjà le temps gagné à repérer toutes ces bonnes adresses sur la toile, lesquelles arrivent à vous avec une validation qualitative ! Mais dites-vous aussi que ces premiers contacts ne resteront sans doute pas très longtemps sans lendemain. La mise en réseau est classique pour les gens qui se connaissent déjà (Facebook en est un bel exemple). Mais il y a fort à parier que la démarche fonctionne de façon symétrique et que les contacts virtuels établis entre personnes qui ne se connaissent pas encore débouchent sur des opportunités de collaboration plus conséquentes dans la vie réelle. De là à se rencontrer en présentiel… il n’y a sans doute qu’un pas qu’une situation de travail ne manquera pas de susciter.
Retour gagnant, vraisemblablement !
Michel Berhin
Août 2011.
[1] Nous mettrons le focus sur Delicious, Pearltrees et Twitter sans affirmer que la liste s’arrête à ceux-là.
[2] Voir nos deux analyses précédentes, liées à ce sujet. http://www.media-animation.be/Les-reseaux-sociaux-entrent-en.html et http://www.media-animation.be/Partager-sa-veille-en-ligne-oui.html
[3] Url signifie « Uniform Ressource Locator » en anglais et se traduit par « repère uniforme de ressource ». Plus simplement, l’adresse http://www…