Les jeunes, cibles de la pub
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les jeunes ne constituent pas une cible homogène pour la publicité. Il y a des différences en fonction de l’âge, et du sexe notamment.
Une étude Médiamétrie réalisée auprès de jeunes de 11 à 18 ans, intitulée" Apprendre les médias, apprendre par les médias" (1) analyse la réceptivité des jeunes face à la publicité. Et paradoxalement, leur esprit critique. La pub fait partie de leur monde, ils l’apprécient mais savent en prendre distance.
D’après l’étude, les jeunes sont attentifs messages publicitaires auxquels ils sont confrontés. 77 % le reconnaissent, même si la moitié d’entre eux précise le faire "sans grande attention".
Les consommateurs attentifs se recrutent plus souvent chez les garçons que chez les filles, parmi les plus jeunes plutôt qu’auprès des adolescents, plutôt dans les familles nombreuses et dans les foyers ouvriers.
Télé chérie
La télévision leur semble un média de choix pour connaître de nouveaux produits, puisque près de la moitié des jeunes lui font le plus confiance (47 %). Les autres médias viennent loin derrière : affichage (18 %), presse (15 %), radio (6%).
La télévision est également perçue comme le média comportant le plus de
messages publicitaires (72 %), une télé qui selon eux, diffuse les messages les plus marquants. Une minorité de jeunes (2 %) désigne le cinéma comme
le média diffusant le plus de publicité mais ils sont plus nombreux (10 %) à estimer que ce sont les publicités au cinéma qui les ont le plus marqués.
Les filles font davantage appel à la télé pour s’informer sur les nouveaux produits, en particulier les adolescentes (16 / 17 ans) : elles sont près du double par rapport aux garçons du même âge. C’est dans les foyers d’inactifs que les jeunes sont attentifs à la publicité télévisée. Le nombre de personnes au foyer joue peu. C’est également en milieu rural que l’affichage apparaît comme un support privilégié sur les nouveaux produits pour les jeunes.
Jeunes sous influence ?
L’efficacité de la publicité est attestée par la majorité des jeunes. La moitié (49 %) d’entre eux reconnaît qu’elle donne envie d’acheter les produits. Seule une minorité (6 %) affirme ne faire confiance à aucune publicité pour s’informer sur les nouveaux produits.
La pub est rigolote, c’est du moins ce que pensent 58 % des interrogés. Avec de grosses différences selon les critères socio-démographique : la publicité amuse les 18 ans, ce qui n’est pas le cas pour les 11-12 ans. Cette proportion est plus élevée chez les garçons que chez les filles. Ce sont les foyers "ouvriers" qui se laissent le plus facilement distraire par les publicités..
Trop, c’est trop
S’ils aiment la pub, une large majorité des jeunes (86 %) constate qu’il y a "trop de publicité". En conclusion, l’étude admet que « les jeunes utilisent assez largement la publicité pour s’informer, lui reconnaissant souvent de l’agrément ainsi qu’un rôle novateur et sélectif. La télévision est nettement désignée comme le média dominant de leur paysage publicitaire ».
Filles ou garçons
Filles ou garçons n’attendent pas la même chose de la publicité. Leurs aspirations sont différentes (2), même si elles frisent le stéréotype qui prête à sourire. Un stéréotype qui alimente les campagnes orientées « jeunes »
Filles
– Etudes : plutôt littéraires, économiques et sociales.
– Héros : je voudrais être une chanteuse, célèbre et gagner plein d’argent.
– Vêtements : j’aime les marques, mais aussi les pièces à petits prix. Je dois être fashion, mais varier tenues et accessoires.
– Hygiène-beauté : des eaux de toilette, des produits coiffants, du maquillage pour mes yeux, mes lèvres, des crèmes et du fond de teint pour cacher mes imperfections.
– Internet : je consulte les sites de mes stars favorites, des forums et mon courrier électronique.
– Télévision : je ne peux manquer ni la StarAc’, ni la rediffusion des meilleurs épisodes de Friends, de Buffy
– Lectures : j’aime lire des livres, mais surtout des magazines people ou spécifiques « girls ».
– Jeux : des jeux pour apprendre à chanter et des poupées qui me ressemblent.
– Alimentation : je cherche à être mince, donc je préfère les salades, les fruits ou les produits laitiers pas trop gras, mais je craque souvent pour un en-cas.
– Boissons : des boissons aux fruits, des sodas et… parfois de l’eau.
Garçons
– Etudes : plutôt scientifiques et techniques.
– Héros : je voudrais être un footballeur, célèbre et gagner plein d’argent.
– Vêtements : je ne porte que quelques griffes références liées au sport, sinon je suis mort à la récré !
– Hygiène-beauté : du gel pour sculpter mes cheveux et des crèmes ou des gels contre mes boutons.
– Internet : j’aime les jeux en ligne, les sites sur le sport.
– Télévision : je la regarde, mais je préfère Internet pour son interactivité. Heureusement, y’a le sport et les émissions qui font mal (Koh Lanta…).
– Lectures : j’aime un peu moins les livres, mais j’adore les bandes dessinées…
– Jeux : des jeux vidéo où je dois tuer tout le monde ou conduire une voiture de course.
– Alimentation : je recherche le plaisir gustatif et de l’énergie. Je privilégie la viande, les pâtes, les pizzas ou le fromage, sans oublier des produits de grignotage.
– Boissons : des boissons aux fruits, des sodas et… parfois de l’eau. Pour les plus âgés, de la bière ou des alcools blancs.
Le monde des jeunes doit bien être vu comme un monde plus subtilement différencié. Comme l’écrit Marc Vandercammen, « l’enfant joue un rôle prescripteur non seulement pour des produits ou services dont il est le consommateur direct et unique, mais aussi pour les produits et services consommés dans le ménage (…) chaque classe d’âge recherche de manière systématique à imiter la classe d’âge supérieure ».
Modèles de consommation
Marc Vandercammen établit ainsi différents modèles de consommation selon les âges :
– Les 4-8 ans : pour l’enfant, l’achat représente un moyen de plaisir personnel. Il prescrit de façon significative l’achat de nombreux aliments, de jouets, jeux., Et même la voiture et les voyages. Les annonceurs renforcent son rôle à travers le packaging. La publicité enfants admis se veut amusante, ludique. La communication des marques recourt aux personnages, même si l’enfant est incapable de dissocier pub et dessin animé. Les marques développent des produits à dominante maternante, les annonceurs proposent des réductions spéciales pour les petits.
– Les 8-11 ans (kid marketing) : selon Marc Vandercammen, dès l’âge de 8 ans, les enfants placent eux-même des produits dans le caddy de leurs parents. Les marques sont discutées en cours de récréation. C’est à cet âge aussi que l’auteur situe le démarrage de la « macdonalisation » : hamburgers, cola et chewing-gums. C’est âge aussi où les enfants s’intéressent aux produits dérivés. La communication publicitaire s’inscrit dans l’événementiel, « orchestrant la rareté et le temps d’attente annoncé », à l’instar des sempiternels retardements de nouvelles consoles de jeu. Chez l’enfant, la tentation est forte de collectionner un produit rare, éventuellement via des offres promotionnelles . C’est bien l’âge des premières figurines pannini.
– Les 11-14 ans (produits émancipateurs) : l’adolescent devient un acheteur important. Sensible aux messages émotifs, il impose ses achats à la famille ,en fonction de l’avis des pairs. L’argent de poche est pour eux un vrai sésame d’auto-affirmation. Les marques accompagnent ce passage à l’adolescence en usant des stéréotypes : beauté pour les filles, virilité pour les garçons. Le marketing joue sur l’accessibilité des produits. De nombreux produits d’imitation et de provocation sont proposés : energy drinks, voire alcopops.
– Les 14-18 ans (pur marketing) : les adolescent se plaisent à briser les tabous, liés au sexe et à la mort. Ce sont d’ailleurs les premiers moments où ils visitent les sites internet liés à cette problématique. Si les plus jeunes d’entre eux cherchent à s’identifier à leurs stars favorites, à s’intégrer au groupe, les 14-18 cherchent à se démarquer, fuient les vêtements griffés. Les techniques de l’underground marketing leur offre un terrain de choix
Techniques de marketing
Dès lors les techniques de marketing délaissent les terrains classiques. La pub circule sur le Net, les SMS. De nouvelles stratégies se centrent sur les comportements des jeunes :
– Le marketing viral : le bouche à oreilles pousse le jeune à transmettre des annonces publicitaires via ses moyens de communication habituels. Il devient ambassadeur de la marque, qui se constitue des bases de données à partir des infos fournies par ses clients.
– Le marketing tribal : les marques développent des rituels underground en matière de stratégie : jamais de mention trop explicite des marques, labirynthe de signes, détournement des logotypes
– Le street marketing : pour trouver une rapide notoriété, les marques descendent dans la rue, distribuent aux et par les jeunes des patchs ou échantillons de produits, à l’instar des welcome packs sur les campus.
– Le buzz marketing : technique de communication qui consiste à faire parler d’un produit avant son lancement. De fausses cabales poussent le jeune à tester les produits décriés.
– L’undercover marketing : le message publicitaire n’apparaît pas comme venant d’une marque. On trouve ce phénomène sur Internet, mais aussi dans la rue, où des comédiens se font passer pour des utilisateurs de nouveaux produits. Une technique utilisée au moment du lancement de nouveaux GSM.
– Le marketing relationnel : bons plans, réductions, promos, concours sont proposés aux jeunes, qui peut aller sur internet dialoguer avec une marque, en temps réel.
– Publicité cachée : la publicité est faite sur un produit utilisé de façon ostentatoire dans un films ou une série télévisée dans laquelle figure un héros apprécié par les jeunes. Le bartering (accord de compensation) envahit les médias
– Produit sur mesure : les firmes conçoivent des produits sur mesure pour les jeunes, par exemple en proposant une contenance réduite, donc un coût unitaire moins élevé.. les campagnes publicitaires qui accompagnent ces produits se fondent sur l’aventure imaginaire et la différenciation (porno chic et provocation)
Yves Collard et paul de Theux
18 novembre 2006
(1) Les jeunes et la publicité, Association des Agences-Conseils en Communication Fondation d’entreprise Médiamétrie, Baromètre Jeunes 2001.
(2) tiré de : Marketing book masculin/féminin, TNS Media Intelligence, 2005.
(3) Marc Vandercammen, L’enfant prescripteur dans Les pratiques publicitaires à la télévision, Ministère de la Communauté française, 2006, p. 53.