Gnial, T là, C trop cooooool
Les jeunes baignent dans les nouvelles technologies comme des poissons dans l’eau. Lorsqu’ils communiquent entre eux, ils utilisent le "langage SMS" pas toujours compréhensible par les adultes. Beaucoup d’enseignants s’en inquiètent. Pourtant, ce nouveau langage peut être la base d’activités à réaliser en classe.
Eloïse a bientôt 12 ans. Lorsqu’à la fin de la journée, elle se retrouve chez elle, sa première préoccupation est de filer vers l’ordinateur familial pour se brancher illico sur « MSN ». Elle y retrouve ses copines qu’elle vient de quitter pour une « papote virtuelle » qui laisserait le plus tolérant des linguistes comme deux ronds de flans… La discussion (si l’on peut dire) s’éternise jusqu’au retour du premier parent qui mettra un terme à ce passe-temps jugé aussi inutile que dangereux : « Tu as vu ton orthographe ? », « Es-tu certaine que c’est ta copine qui te répond ? »…
Communiquer à tout prix
Alors quoi ? Interdire ? Laisser ce problème aux parents ? Ce serait sans doute et, une fois de plus, laisser le jeune seul face à une discipline qu’il ne maîtrise que sur le plan technologique en oubliant que la communication s’appuie également sur des codes et des règles qui doivent être un tant soit peu respectés si l’on veut se comprendre. Le "langage SMS" mérite d’être abordé avec les élèves pour leur permettre de se rendre compte de l’ensemble des conséquences qu’il comporte. C’est aussi l’occasion de renouer un contact intergénérationnel en acceptant, de la part de l’adulte, d’en apprendre les codes spécifiques et la terminologie si mystérieuse.
La classe est un laboratoire expérimental où le jeune doit pouvoir confronter ses expériences. Si c’est valable pour les sciences, ça l’est également pour l’éducation aux médias. Permettre aux enfants d’exprimer leur vécu avec Internet, c’est leur donner l’opportunité d’y réfléchir avec l’adulte et d’apprendre à utiliser les technologies en connaissance de cause.
Vivre les médias en classe pour ne pas les vivre seul
Intégrer le « langage branché » dans une activité en langue française en le comparant avec cette dernière, c’est montrer l’avantage de l’un et la richesse de l’autre. C’est établir de ponts entre ce que l’on croit opposé et qui se révèle pourtant complémentaire. Lorsqu’il m’est donné de participer à une activité durant laquelle l’élève doit traduire un texte sms en français correct, c’est une double jubilation : d’une part, le jeune se rend compte des limites étroites du code sms et, d’autre part, il est en recherche d’une traduction qui fait appel tant aux règles de grammaire et d’orthographe qu’aux figures de style. Cela provoque une émulation liée au support au même titre qu’un professeur de langue utiliserait le dernier tube anglo-saxon à la mode pour développer une activité en anglais.
Aspect supplémentaire : une telle activité aborde une crainte inavouée chez les jeunes concernés : la fracture numérique. Ne pas accéder aux moyens de communications générés par les nouvelles technologies, c’est risquer de se retrouver exclu du groupe des copains. Une autre bonne raison de ne pas laisser l’éducation aux médias de côté.
Denis Vellande
Chargé de mission en éducation aux médias