Les stratégies de la pub

La pub, on l’adore ou on la déteste. Il y en a qui claquent. Qui gagnent des prix car elles sont belles ou amusantes, parfois même, nous font réfléchir. D’autres font scandale. Les unes et les autres ont un point commun. Elles ont tous les trucs pour nous faire acheter un produit, qu’on le veuille ou non.

Comment un message publicitaire peut-il nous pousser à acquérir un objet, une voiture, un savon, un téléphone portable ou un service, comme une inscription à une école, un compte dans une banque, un voyage … de rêve ? Tout simplement en nous faisant croire que nous en avons besoin ou que nous le désirons. En nous persuadant de l’acheter.

Dans ce dessein, les agences de publicité rivalisent d’arguments. Mais lesquels ?

Au départ de chaque publicité, il y a au moins trois éléments dont les publicitaires tiennent compte. D’abord le public. Est-ce que le produit s’adresse aux hommes (« les hommes savent pourquoi »), aux femmes, aux jeunes ou aux adultes, aux sportifs ou aux casaniers, etc. Les publicitaires ont ainsi défini ce qu’ils appellent des « sociostyles » (voir ci-dessous), différentes manières dont les gens vivent. Ces sociostyles sont définis selon quatre pôles. D’abord selon un axe matérialisme – éthique. Le pôle matérialiste : des surconsommateurs frustrés mais boulimiques, des individualistes à l’affût de toutes les bonnes affaires ou se présentant comme telles. De l’autre côté de l’axe, on retrouve un peu les « éthiques », donneurs de leçon, à la recherche de qualité, de perfection, de valeurs immatérielles. Ensuite, selon un axe préservation – exploration. Le pôle préservation regroupe les conformistes, un peu nostalgiques, avec un goût pour la sécurité, l’assistance, et un grand besoin d’intégration. De l’autre côté, celui de l’exploration, on retrouve des consommateurs-surfeurs, manifestant un grand désir d’intensité, d’innovation, d’originalité.

La mode, la mode

Ensuite, il y a une question de mode. À certains moments, les gens sont attentifs à la nostalgie, à la qualité des produits comme dans les années 90, à la distinction sociale (années 70), à l’individualisme (années 80), ou encore à la vitalité, à la simplicité et au confort (années 2000). A Bruxelles par exemple, on ne peut pas louper le slogan des transports en commun : « La Stib vous facilite la ville ».

Enfin, les publicitaires définissent un concept, une idée générale. La publicité a bien changé depuis le temps où il suffisait de dire « Buvez Coca-Cola » pour qu’on se précipite devant le frigo. Aujourd’hui, les publicitaires font croire qu’en achetant leur marque, on obtiendra bien d’autres choses, qui permettent de faire partie du meilleur des mondes. Il suffit de penser aux pubs pour chaussures de sport ( « Be yourself »), de consoles de jeu ( « Sois qui tu veux »), de parfum (« Sois bien, sois mal, sois toi »). Dans tous ces exemples, la publicité veut dire qu’en achetant la marque, on sera différent des autres.

La pub fait de son genre

Quels genres de publicités trouve-t-on ? D’abord, des pubs informatives. La pub table sur la raison. Son objectif sera de convaincre avec des arguments rationnels (informer, expliquer...) L’objet essentiel de l’annonce sera la mise en évidence du besoin à satisfaire : Vous manquez de vitamines ? Elles se trouvent dans les céréales du petit-déj’. Vous voulez un ventre plat ? Dans le yogourt, il y a des lacto trucs ou choses qui vont vous y aider. « C’est dans le filtre naturel des roches volcaniques d’Auvergne que Volvic puise lentement sa parfaite minéralité. C’est ici qu’elle acquiert jour après jour son extraordinaire pureté », dit la pub pour l’eau minérale.

Ensuite, les publicités intégratives. La tactique sera de donner la marque à un groupe auquel on aura l’impression d’appartenir. Beaucoup de publicités pour l’alcool, au cinéma, fonctionnent sur ce principe : "on voit des jeunes plutôt sympas qui boivent en groupe, et vous ferez partie de la bande si vous consommez ces boissons".

Les publicités mécanistes : on répète cent fois la même chose. C’est ce qu’on appelle « le matraquage publicitaire » : « Carrefour écrase les prix »

Enfin, il y a les publicités suggestives, qui donnent un grand pouvoir à l’image. Elles sont très efficaces. D’abord parce qu’elles cherchent à faire plaisir, comme dans la pub pour Lion « Rugir de plaisir ». Les publicitaires n’hésitent pas à y ajouter les images des 3 B : Belles filles ou Beaux mecs, Bêtes sympas ou encore jolis Bébés. Pour les ados, le plaisir est d’autant plus important s’il y a un petit parfum d’interdit comme dans certaines pubs pour boissons énergisantes ou pour les bâtons glacés ( » Mmmm c’est bon quand c’est long »). Ces pubs jouent également avec les rêves. Elles accomplissement par exemple un désir inconscient de puissance, de performance, comme de nombreuses pubs sur les voitures.

Ces publicités suggèrent qu’l est possible de manger le même dessert que Justine Hénin (mécanisme de projection), que la situation proposée, c’est un peu la nôtre (mécanisme d’identification), comme chaque fois qu’on se trouve devant une situation vécue personnellement.

Enfin, certaines pubs font semblant de ne pas en être, comme ces messages de remerciements aux sportifs après chaque victoire.

Les sociostyles ou 15 tribus de consommateurs

Le sociologue Bernard Cathelat a repéré 15 tribus de consommateurs, et les styles de vie qui leur sont associés.

1. Le clan des décalés : ils consomment toutes sortes de produits à condition qu’ils soient hors normes, et anticonformistes. Les décalés sont fans de contre-culture.
 La tribu des profiteurs. Ils consomment par provocation. Seuls comptent les loisirs et le divertissement.
 La tribu des dilettantes. Individualistes et artistes, avant-gardistes et hédonistes, ils sont très dépensiers pour les nouvelles technologies. Ils sont sensibles à tout ce qui les situe dans l’avant-garde, en faisant le moins d’efforts possible.
 La tribu des libertaires. Solitaires et pessimistes, ils sont très anti-pub. Ils portent un regard ironique sur la société. C’est par l’événement, la remise en cause que la pub les approche.

2. Le clan des égocentrés : les égocentrés sont très sensibles à leur image, à la frime, à la réussite sociale. Ils dépensent pour cela beaucoup et n’importe comment.
 La tribu des vigiles. Ils se laissent influencer par les offres commerciales spectaculaires, mais leurs achats sont tournés vers leurs propres biens (maison, mobilier, etc).
 La tribu des défensifs. Ils aspirent au bonheur, veulent profiter de la vie, même au-delà de leurs moyens, et à crédit. Ils s’identifient aux stars de la télé.
 La tribu des frimeurs. Souvent jeunes et peu qualifiés, c’est le look qui les fait vivre, la marque, le tuning. Ils aiment le fric, à défaut d’en avoir.

3. Le clan des activistes. Ils aiment le pouvoir, le haut de gamme, et le standing. Ils abhorrent la consommation de masse. Les objets consommés sont pour eux des objets de reconnaissance, ils ne s’aventurent guère en dehors de leur territoire.
 La tribu des entreprenants. Les entreprenants ont Bill Gates pour idoles. Ce sont des consommateurs actifs, tournés vers l’originalité, le modernisme, le haut de gamme sans ostentation.
 La tribu des militants. Souvent issus des rangs le plus sages des décalés, les militants sont plus jeunes que les entreprenants. Adeptes du lèche-vitrines, des soldes et des prix comparés, c’est pourquoi ils préfèrent la pub informative et rationnelle.

4. Le clan des matérialistes. Ce sont les adeptes du bricolage et du jardinage. Ils n’aiment pas le changement, ne croient que ce qu’ils voient. En vacances leur devises est ‘c’est pas comme chez nous ». Un produit doit pouvoir faire ses preuves.
 La tribu des utilitaristes.les utilitaristes croient au travail, à la famille, à la patrie. Ils consomment « national » et « nostalgique ».
 Les attentistes : Individualistes, ils sont peu ambitieux, sauf quand ils sentent le danger venir, se regroupant alors en comités de défense. Très impliqués politiquement, tolérants. Ils apprécient le changement technique, sont grands acheteurs de DVD et PC.
 Les exemplaires : Les exemplaires sont adeptes de l’ordre et de l’équilibre, mènent une vie aisée.Ils sont attirés par le cocoune, et les pubs qui le mettent en scène.

5. La tribu des rigoristes. La famille est le pilier de leurs normes, sont très solidaires, attachés aux valeurs morales. Ils consomment « classique », apprécient les produits durables et éthiques.
 La tribu des responsables.Ils veulent passer pour des notables, ou le sont. Ils veulent afficher un certain standing.
 La tribu des moralisateurs. Les moralisateurs sont opposés au changement. Ils consomment « utile »dans les grandes surfaces et dans les boutiques de quartier pour les achats valorisants et régionaux.
 La tribu des conservateurs. Les conservateurs sont plutôt âgés et modestes. Ils consomment peu. Parfois hargneux envers la société de consommation, ils sont proches des matérialistes
 La tribu des attentistes. Ils entretient l’archaïsme de leur consommation, aiment équiper leur foyer dans le bon goût classique. Ils se moquent de tous les systèmes d’information.

Yves Collard et Paul de Theux
25 octobre 2006

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