Éduquer aux "médias en réseaux"

En décembre 2010, le Conseil supérieur de l’éducation aux médias a défini les grandes lignes d’une éducation aux "médias en réseaux". Ce document synthétique fera l’objet de développements ultérieurs.

Le développement d’Internet et des "médias en réseaux" a bouleversé l’environnement médiatique des citoyens du 21e siècle, et en conséquence, leurs relations au monde et aux autres. Cette révolution s’inscrit dans la longue évolution des médias modernes qui ont contribué aux mutations de la société contemporaine : presse, téléphone, cinéma, radio, télévision, jeux vidéo…

L’objectif de l’éducation aux médias est de développer une appropriation critique de ces médias, qui permette d’en apprécier toutes les richesses et
d’en faire un usage responsable tout en percevant avec justesse les limites et les travers. Ce mouvement d’appropriation doit se
poursuivre avec les "médias en réseaux".

Un nouveau défi

La mutation des "médias en réseaux" marque un tournant dans l’histoire des relations entre humains et de ce fait entre les humains et les médias. En effet, grâce à un très grand développement de l’interactivité, chacun a la possibilité de prendre une part active à la communication médiatique, et d’agir non seulement en tant que lecteur mais également en tant que producteur, organisateur, diffuseur, contributeur, organisateur, médiateur, transmetteur… de messages textuels, visuels et sonores. De plus, il peut désormais le faire à tout moment et en tout lieu, grâce au développement des technologies mobiles. Cette évolution constitue un nouveau champ pour l’éducation aux médias, d’autant que les "médias en réseaux" intègrent et transforment progressivement les médias apparus précédemment.

Des situations inédites

Puisque les "médias en réseaux" favorisent considérablement la communication, l’expression et la création médiatiques, ils nécessitent une responsabilisation des utilisateurs. Ceux-ci sont confrontés à de multiples situations nouvelles dont ils ne mesurent pas toujours les enjeux, par méconnaissance des dimensions technologiques, sociales, juridiques et éthiques de leurs usages.

Dans ce cadre, plusieurs questions spécifiques peuvent être soulignées :

  • la mise en ligne très aisée et instantanée de contenus permet une communication quasiment en temps réel, dont l’attrait est indéniable mais dont il n’est pas toujours facile d’anticiper les effets. Par exemple, l’utilisateur est confronté à la pérennité des informations produites, parfois difficiles à modifier ;
  • tant au niveau du fond que de la forme, les contenus peuvent être très facilement dupliqués, modifiés ou transférés dans d’autres contextes qui peuvent en modifier le sens ou la perception ;
  • Les implications juridiques des usages en réseau sont souvent méconnues des utilisateurs et posent parfois de nouvelles questions de droit ;
  • l’accès à une masse d’informations considérable et de nature extrêmement diverse suppose des démarches complexes d’évaluation des contenus, parfois élaborés selon des logiques collaboratives, et d’identification des auteurs (pseudos, avatars, anonymat…). Les représentations et les stéréotypes, notamment dans le domaine de la construction et la représentation de soi en ligne, nécessitent de nouvelles formes de critiques ;
  • la publicisation des communications privées et la traçabilité des données personnelles favorisent de nouvelles formes de surveillance (sociales, commerciales, étatiques…).

Il importe que les utilisateurs en prennent conscience et exploitent les "médias en réseaux" en connaissance de cause.

Des enjeux socio-économiques

D’autre part, les utilisateurs des réseaux doivent être en mesure de comprendre et d’analyser de façon plus experte le fonctionnement et les conditions d’utilisation des plateformes, notamment en termes de confidentialité, de modèle économique et le rôle de la publicité.

Il importe de comprendre que l’infrastructure technique des réseaux repose sur des intermédiaires techniques dont le rôle, plus proche de l’hébergeur que de l’éditeur d’information, est différent de celui des médias précédents. A condition d’être attentif aux stratégies de ces entreprises, le consommateur peut tenter, collectivement, de contribuer à faire prévaloir les exigences de l’intérêt général.

Vers demain

Les enjeux de l’éducation aux "médias en réseaux" sont donc multiples, complexes et cruciaux. Ils nécessitent de connaître les outils technologiques et leur fonctionnement, d’observer la façon dont ils sont utilisés et de saisir les questions qu’ils posent, afin de proposer aux utilisateurs des repères pour une utilisation autonome, critique et responsable.

Enfin, à travers leurs fonctions d’information et de socialisation, les "médias en réseaux" posent plus sensiblement les enjeux d’un vivre ensemble. Une citoyenneté active qui se vit au cœur des pratiques : culture du débat démocratique, bonne gouvernance, responsabilités, respect, interculturalité, ... Autant de dimensions qui favorisent des compétences citoyennes en devenir.

Conseil supérieur de l’éducation aux médias, décembre 2010